[HAPPY STORY] #8 Cette petite voix qui sait

[HAPPY STORY] #8 Cette petite voix qui sait

01-05-2019

Pour nous suivre :

    - Je n’en peux plus ! Ma tête va exploser !

    - Calme-toi…

    - Comment veux-tu que je me calme avec un père pareil ! il m’apprend du bout des lèvres que j’ai une soeur le jour de sa mort ! Il faut être taré, non ?

    - Viens, assied-toi là et calme-toi s’il te plaît…

    - C’est un pauvre con ! Je comprends mieux maintenant que ma mère n’en puisse plus de lui. Je me demande depuis combien de temps elle sait…

    - Peut-être depuis qu’elle cache les canettes de Number One* dans le jardin…

    - Je ne sais pas…Putain, mais qu’est-ce qu’il a foutu mon père avec Herenui ! 

    - Elle a peut-être gardé le bébé à l’époque sans lui dire…

    - J’ai envie de gerber.


    Hiro avait cette colère en lui qui lui tordait l’estomac.

    Il savait qu’il devait réagir et faire quelque chose maintenant. 

    Il avait sa vie à mener. Avec sa petite tribu, il se sentait tellement bien. Il fallait encore que son paternel vienne tout bousculer ! Peut-être qu’il devait profiter de cette occasion pour tout envoyer balader. 

    Son entreprise fonctionnait au ralenti du fait de l’instabilité institutionnelle du territoire. Les Calédoniens devaient décider de leur avenir. Français ou indépendant.


    Il avait de quoi voir venir s’il partait avec Nathalie et les gamins. Retour en Polynésie ? Découvrir la métropole ? D’autres régions du monde ? Hiro sentait en lui une âme de pionnier. Le Costa Rica et son ambition de pays vert, Le Belize, ce minuscule paradis des plongeurs qui devenait à la mode et où l’on parle plutôt Anglais. L’Europe avec d’anciens pays du bloc de l’Est qui s’ouvraient au tourisme depuis quelques années (Croatie, Bosnie Herzegovine, Montenegro) ou la Grèce qui se remettait difficilement du soi-disant plan de sauvetage de l’Europe.


    Pour faire quoi ? 


    Rien ! Se défaire de toute forme de contraintes. Jusqu’à maintenant, caché derrière son caractère bien trempé, il avait toujours fait ce que son entourage attendait de lui. D’abord ses parents, puis ses profs, puis ses actionnaires. Il en avait vraiment assez de ces conneries !


    Tout foutre en l’air pour partir surfer les plus belles vagues du monde ?

    - Tu n’as jamais vraiment aimé ça.

    - Je faisais peut-être un blocage avec mon père qui n’arrêtait pas de me reprendre.

    - Il voulait que tu sois le meilleur. 

    - Je m’en foutais du surf à ce moment là. Je voulais juste être avec lui. C’était la seule occasion de passer du temps ensemble. Je lui ai dit plusieurs fois. Il faisait semblant de pas comprendre. Il se dépêchait de me donner des directives pour prendre la vague et glisser sur les lèvres de la Pachamama*comme il aimait me le répétait.

    - Son côté mystique ?

    - Je ne sais pas, tu sais dans le monde du surf, il y a toujours eu les puristes qui cherchent autre chose que le plaisir ou la performance. Une sorte de connexion avec les éléments. Mon père disait en faire partie. Maintenant, Il font du Yoga, de la méditation... A l'époque, à son retour d’Hawaii, il me parlait souvent d’ Hoʻoponopono et la manière de voir le monde, la vie selon cette philosophie des guérisseurs hawaiiens. 

    - Mon chéri, je suis vraiment désolé pour tout ce qui arrive. Serre-moi dans tes bras. Je vais me coucher. Tu devrais venir, demain, tu auras les idées plus claires.

    - Merci ma popinée, j'arrive.


    Un bruit dans la cuisine réveilla Hiro. Sûrement le vent s’engouffrant dans une jalousie entre-ouverte. Nathalie n’avait pas réagi. Tant mieux. Une fois levé, dans le couloir, il passe devant la chambre de ses 2 garçons qui dorment aussi.


    La jalousie est fermée. La télé est éteinte. Le lave-vaisselle aussi. Hiro sent une présence comme une caresse fraîche sur sa joue. Il frissonne et se raisonne. N’importe quoi. Il repart se coucher. Il pense à cette soeur qu’il n’a pas connu. Pourquoi ses parents n’ont rien dit pendant 20 ans ? Il ne sait même pas comment elle s’appelle. Elle s’appelait. Son père était trop ému au téléphone pour lui dire. Marie, Marie, Marie. Ce prénom résonne dans sa tête. 

    - Papa, je m’en fous de tes explications. Comment tu as pu attendre que Marie ne soit plus de ce monde pour daigner m’en parler ?

    - Hiro, je suis désolé. Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai cherché le meilleur moment et je ne l’ai jamais trouvé…mais comment sais-tu qu’elle s’appelait Marie. C’est Maman qui te l’a dit ?

    - Une intuition cette nuit.

    - Je suis heureux d’entendre que tu t’ouvres à ce que je te disais lorsque tu étais  ado

    - Papa, ce n’est pas le moment.

    - Mais…

    - Papa, arrête sinon je raccroche. Maman, comment elle réagit ?

    - Comme ta mère a toujours fait, elle encaisse. Elle est forte, tu sais.

    - Tu te trompes…

    - Qu’est-ce tu racontes Hiro ? De quoi tu parles ?

    - Pas maintenant s’il te plait, le sujet, c’est toi et Marie qui maintenant est partie alors que je ne l’ai pas connue.

    - Elle était magnifique. Je l’ai peu connue aussi tu sais. Herenui m’a contacté quand elle avait une dizaine d’années. Je n’ai pas voulu la croire au début mais lorsque que je l’ai vue…

    - Tu pourrais m’envoyer une photo d’elle ?

    - Bien sûr...je voudrais te demander quelque chose, l’enterrement à Tahiti est prévu pour...

    - Papa, c'est trop, je ne suis pas sûr de le supporter…


    Pourrait-il pardonner à son père ? Deux pensées contradictoires le traversaient. En savoir plus sur sa petite soeur, même demi, il s’en foutait. Passer à autre chose.


    Depuis quelques semaines, une petite zone au centre de ses omoplates était devenue sensible. De manière compulsive, il demandait à Nathalie de le soulager en faisant des allers-retours appuyés avec ses ongles de bas en haut et de haut en bas dans son dos. Sinon au bureau, lorsqu’il était seul, il se servait de sa règle qu’il passait dans le col de sa chemise. Rien n’y faisait. Une sensation que quelque chose le chatouillait, le grattait, le gêner. Après un tour infructueux de quelques médecins et dermato de la place qui le regardaient avec un sourire en coin, une connaissance lui conseilla d’aller voir un magnétiseur. 

    - Ce sont vos ailes qui poussent

    - Pardon ?

    - Vos ailes qui poussent. Vous vous éveillez, ce sont des signes…mais une entité féminine est accrochée à vos ailes. Elles ne peuvent se déployer et ça vous irrite, vous agace, vous démange…

    - Une entité féminine…mais de quoi parlez-vous ?

    - De votre petite soeur qui a peur. Elle est venue se réfugier auprès de vous.

    - Comment vous savez que j’ai une petite soeur? Je ne vous ai rien dit.

    - Elle a un air de ressemblance avec vous. Les yeux. Elle est plus jeune. J’en déduit que c’est votre soeur. Il y a un A dans son prénom.

    - Marie, Marie. Je viens d’apprendre que j’ai une soeur alors qu’elle vient de mourir…Comment ça elle a peur ? Comme je peux l’aider ?

    - Elle ne comprend pas ce qu’il se passe. Elle ne sais pas quoi faire. Sa mort a été violente. 


    *Number One : Bière locale

    * Pachamama : La Terre Mère



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